HIJABILADIES

Il est temps qu'israël passe en jugement

La rationalité fondant le Tribunal de Nuremberg en 1945 était claire : sans procès, la justice et la paix ne prévaudraient jamais, écrit Elna Sondergaard

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A Gaza un collaborateur palestinien de l’ONU inspecte les décombres après une frappe aérienne israélienne sur une école de l’ONU où des civils avaient trouvé refuge, le 17 janvier 2009 (Wissam Nassar/MaanImages)

A Gaza au cours des dernières semaines, les attaques israéliennes brutales et sans discrimination contre la population palestinienne ont entraîné de nombreuses violations des normes basiques du droit international, telles que le principe de proportionnalité et la distinction (entre civils et combattants et entre cibles civiles et cibles militaires).

Des actes militaires tels que le ciblage intentionnel d’écoles et d’autres infrastructures civiles sont considérés comme des violations du droit humanitaire international, en vertu desquelles l’état d’Israël est responsable - mais ils constituent aussi des crimes graves en droit international (par exemple crimes de guerre et enfin crimes contre l’humanité) pour lesquels des individus devraient être jugés.

Dans le sillage de la Seconde Guerre Mondiale, la communauté internationale s’est accordée sur ce principe de responsabilité individuelle pour crimes internationaux ; génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre ont été considérés comme totalement inacceptables et les individus commettant de tels crimes devaient en assumer la responsabilité. La rationalité fondant le Tribunal de Nuremberg en 1945 était claire : sans procès, la justice et la paix ne prévaudraient jamais. Cette idée de responsabilité individuelle a ensuite été appliquée dans la jurisprudence des tribunaux ad-hoc pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie, et la Cour Pénale Internationale de La Haye (ICC) continuera de la développer.

Appliquer cette norme de la justice aux hostilités à Gaza entraîne évidemment la conclusion que le langage des politiciens reste insuffisant pour faire face aux dernières atrocités et que le temps des procès est venu pour des soldats israéliens individuellement, pour des commandants et autres officiers supérieurs de l’armée israélienne, et surtout, pour le Premier Ministre israélien Ehud Olmert, le Ministres des Affaires Etrangères Tzipi Livni et le Ministre de la Défense Ehud Barack. Enfin d’autres ministres du gouvernement devraient également être jugés, comme ceux qui sont responsables au bout du compte des opérations militaires disproportionnées au cours desquelles des milliers de civils (y compris de nombreux enfants) ont été tués et blessés.

Cependant la question cruciale est celle-ci : devant quelles cours de justice les victimes palestiniennes peuvent-elles porter plainte ? Il y a des cours palestiniennes à Gaza mais elles ne sont pas compétentes pour les affaires criminelles impliquant des Israéliens. Peuple sans état, les Palestiniens n’ont pas d’état qui pourrait signer le Statut de Rome afin de requérir une décision judiciaire de la Cour Pénale Internationale, ou qui pourrait être en droit de saisir la Cour Internationale de Justice (IJC) à La Haye, comme le fit la Bosnie-Herzégovine concernant le massacre de Srebrenica. Privés d’état, les Palestiniens se voient aussi refuser la protection légale offerte par la diplomatie interétatique classique.

Entamer des poursuites criminelles contre les Israéliens au sein du système criminel israélien serait un problème du ressort du ministère public. Depuis le début de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza en 1967, de graves violations du droit humanitaire international, incluant l’assassinat délibéré de civils, n’ont pas fait l’objet d’enquêtes par l’armée israélienne, sans parler du sujet des poursuites. La plupart du temps, les autorités israéliennes ont fermé les yeux sur les graves violations du droit international. Dans les rares cas où une enquête a été menée par l’armée, elle a été de très médiocre qualité, et les témoignages de victimes palestiniennes n’ont pas été pris en considération. Ce fait est bien établi et prouvé par de nombreuses ONG et organisations pour les droits de l’homme. En d’autres mots : la discrimination à l’encontre des Palestiniens dans le système criminel israélien les laisse privés d’accès à des solutions judiciaires effectives. Par conséquent, les cours israéliennes ne seront pas en position d’examiner des affaires criminelles concernant Gaza.

Le refus probable d’investigations et de poursuites des crimes intérieurs laisse aux Palestiniens l‘option de réclamer justice dans d’autres pays sur base de la juridiction internationale. Bien que de telles causes criminelles contre les Israéliens aient été soumises à la justice en Belgique, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande, en Espagne, en Suisse et au Royaume-Uni, ces initiatives n’ont (pas encore) débouché sur aucun procès contre des auteurs présumés israéliens (toutefois le cas en Espagne est toujours pendant). En raison de divers obstacles politiques, légaux et pratiques liés au dépôt de plainte en pays étranger, ces forums ne seront probablement pas accessibles à la vaste majorité de civils palestiniens de Gaza qui ont perdu leurs proches, ont été blessés, déplacés ou ont vu leur maison détruite durant les dernières semaines.

Tout cela laisse entendre que la poursuite de ces crimes internationaux ne sera pas une affaire intérieure : les Palestiniens de Gaza comptent uniquement sur la communauté internationale pour fournir des solutions adéquates en poursuivant les auteurs présumés. La communauté internationale - via les Nations Unies - peut y répondre soit en renvoyant l’affaire devant la Cour Pénale Internationale (comme le Conseil de sécurité en a décidé dans le cas du Darfour) soit en prenant l’initiative d’établir un tribunal ad hoc avec le mandat de poursuivre les graves crimes commis par les autorités israëliennes à Gaza au cours des dernières semaines - en plus de ceux commis à la suite du blocus de Gaza. Le tribunal devrait également avoir mandat pour poursuivre les crimes commis par le Hamas lors des tirs de roquettes sur Israël.

Un procès correct donnerait aux victimes l’occasion de raconter leur histoire et de présenter leurs preuves à des juges indépendants ; les victimes palestiniennes et israëliennes seraient sur un pied d’égalité - les désavantages d’être privé d’état et le déséquilibre des forces entre les deux parties n’existeraient plus ; les témoignages de milliers de Palestiniens seraient enfin entendus - des gens qui ont déjà souffert énormément de l’occupation israélienne illégale au cours de laquelle ils ont été privés de leurs droits humains les plus fondamentaux pendant plus de 40 ans.

Un tel procès pourrait faire taire les accusations sans fin des deux parties, en initiant l’appréciation impartiale et légale d’arguments pertinents. Un tel procès aurait pour message qu’à l’époque moderne tous les individus ont à assumer la responsabilité de leurs actes. Un tel procès aiderait probablement aux efforts de prévention de futures atrocités à Gaza et offrirait les conditions d’une paix durable.

Intenter un procès aux auteurs ne coûterait rien à la communauté internationale, alors qu’en l’absence d’une telle prise en compte des responsabilités, les civils de Gaza endeuillés resteraient sans espoir ni remède - tandis que les politiciens et les soldats seraient à nouveau encouragés à penser qu’ils sont au-dessus des lois et qu’ils pourront toujours s’en tirer.

Nous ne pouvons donc pas laisser ces crimes sans procès.

* Elna Sondergaard est Directrice du Programme Droits Humains et Maître de conférence en droit à l’Université Américaine du Caire. De 2000-2004, elle a travaillé comme responsable juridique de l’UNWRA en son quartier-général à Gaza.

17 janvier 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduit de l’anglais par Marie Meert



20/01/2009
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